Ce week end, je discutais avec Nicolas, Lead Dev d’une petite startup Belge qui endosse désormais le costume de CTO alors que sa start up recrute et étoffe son équipe technique. En réfléchissant aux différences de responsabilités, de travail au quotidien que cela occasionnerait, cela m’a donné à réfléchir à mon parcours depuis ces 2 dernières années à mon poste de CTO.
So far, je distingue 3 phases différentes pour ce poste, dépendant très fortement de la taille de la société, de son/ses produits, de sa croissance et de l’équipe en charge de la technique. Trois vies donc, deux que j’ai vécu ou que je vis actuellement, et une troisième dont je commence seulement à dessiner les contours.
Première vie du CTO: l’éveil (ou lead dev like)
Cette première phase que tout CTO montant une startup bootstrappée (entendez ici: sans sous, sans investisseurs, juste à la sueur de son front) vit normalement, est un peu celle du Lead Dev. Il s’agit ici de coder proprement et bien, 80% de son temps, de ses jours et de ses nuits, avec une sensibilité vision et business (qu’on ne demande pas forcément à un Lead Dev) et construire un produit / MVP modulable, scalable et qui rend service à des vrais utilisateurs ou clients. Et cela au sein d’une équipe souvent réduite à une personne au début (soi) et allant jusqu’à 3-4 développeurs, tous quasiment en stage bien entendu :). La scalabilité, la charge et certains choix technos ne sont alors pas des préoccupations principales ou déterminantes: il faut délivrer vite et bien pour valider son business, itérer sur les releases et accrocher la traction nécessaire qui permets de continuer son activité.
C’est la douce époque du code spaghetti, des modifications directement sur le serveur, du push archaïque via FTP, du git tout sur master, de l’absence de tests (unitaires et fonctionnels). Ahhhh nostalgie..
Durée de vie: 12h à 14h par jour, 7 jours sur 7, 360 jours par an
Seconde vie du CTO: l’apprentissage (ou chef de projet like)
Cette seconde vie est celle que j’expérimente depuis 5-6 mois je pense: le produit ou son succès/intérêt ne sont plus à prouver, il faut désormais le faire évoluer, gagner en maturité, mettre des process, et gérer une petite team grandissante de 5-10 personnes, avec quelques CDI talentueux désormais.
C’est à mon sens le poste le plus skyzophrene: il faut à la fois être dev, lead dev, manager, chef de projet, leader, RH… Mon quotidien désormais, c’est:
- 10% de code pur (je ne touche qu’à des bouts de code critiques qui m’intéressent durant mes week ends, et fait des bugfixes en semaines quand j’en ai le temps)
- 40% de gestion d’équipe et de projet, de middle-management (quel dev est sur quoi, relecture de code de chacun, suivi de projets, suivi des issues, gérer les sautes d’humeur de l’un, faire progresser l’autre, gérer les susceptibilités, essayer de satisfaire au mieux les aspirations de chacun tout en faisant progresser la solution dans la bonne direction..)
- 30% de veille techno et d’archi (quelle nouvelle techno pourrait faire son apparition dans mon projet, quelle nouvelle archi scalable je dois mettre en place pour continuer la croissance de ma boîte, quel refacto faire, comment le faire, pourquoi le faire, et quand?..)
- 20% enfin de temps difficilement quantifiable, indéterminé, au ROI incertain: de l’administratif, des entretiens, du RH, des mails, des coups de fil, des points business, des trucs qui semblent vains, qui ne font pas avancer sur le court terme mais qui sont primordiaux pour la suite des opérations
Troisième vie du CTO: la maturité (the real job)
Je ne m’étendrais pas trop sur celle-ci, étant donné que je n’y ai pas encore goûté, même si j’en discerne désormais les contours. On se rapproche du poste de CTO que j’ai pu côtoyer durant mes stages dans des grosses boites matures. La technique pure est alors en second plan: c’est le rôle des équipes et du management d’être pointus dedans. Je suppose qu’une bonne partie du temps est allouée à la gestion des projets et des équipes, aux recrutements et à la team, au plan macro désormais. Négo fournisseurs, discussions politicardes avec les clients, les fournisseurs ou en interne avec le business.
Durée de vie: NA
Et vous?
Voila les réflexions que ma discussion de ce week end a éveillé, et le retour d’expérience de ce que j’ai vécu et de ce que je vis actuellement. Et vous, comment vivez-vous votre poste de CTO? Des choses similaires, des vies différentes, une vision plus long terme pour éclairer ma lanterne? :)
Je me pose une question, et je suppose que tu dois te l’être posée aussi. À supposer que tu sois le bon profil pour les phases 1 et 2, quand tu arrives à la phase 3 deux cas de figure se présentent.
1) Tu as acquis l’expérience nécessaire en phase 2, tu apprécies bien tes 60 % de (management / RH / biz), tu as envie de te caser un peu (avoir une vie, genre pas comme en phase 1) et de passer à un rôle plus managerial.
2) Plus tu progressais dans la phase 2 plus la réduction de ta composante technique t’ennuyait. Tu te dis que tu as vécu une belle aventure et que la phase 3, ben, ça a l’air moins fun.
Dans le cas 1) pas de problème, mais dans le cas 2, tu fais quoi ? Tu passes la main comme “CTO” et tu prends un rôle de lead dev / VP technique (veille et choix d’archi mais pas de management) ? Tu te débrouilles pour sortir (ou juste rester au board) de ta boite et tu recommences ailleurs (peut-être dans une boite avec une vision encore plus ambitieuse) ?
Je t’avouerai en effet m’être déjà posé la question, même si je me vois bien plus évoluer dans le cas 1) que dans le cas 2).
Loin de moi l’idée de vouloir passer absolument du côté managerial et mettre de côté totalement la techno, je pense toutefois que j’apporte plus et apporterai plus dans le futur à ma boite à un poste moins opérationnel et plus global. Comme je le dit dans mon article, les technos mises en oeuvre au fil du temps dans la boite (par leur nombre et leur côté de plus en plus pointu) doivent forcément être gérées par le CTO, mais il n’y a matériellement pas le temps ni les moyens de les implémenter toutes et les suivre comme le ferait un lead dev.
Même si je m’éclate à coder au quotidien dans la composante techno, je m’éclate encore plus dans la composante création de ma boite et son évolution, essayer de la porter au mieux le plus haut et le plus loin. Si pour cela, je dois délaisser un temps un peu plus le code, pas de soucis.
Si dans quelques années je n’ai plus cette envie ou ces sensations avec Wisembly, pourquoi alors ne pas repartir sur une nouvelle aventure, en phase 1 comme décrite dans mon article, mais là encore, pas pour la techno, mais pour la construction / création d’une boite techno :)
Encore un très bon article, merci !
Si je comprends bien ta situation tu es en pleine mutation entre le tech qui a monté sa boite et le futur chef d’entreprise gestionnaire (situation que j’ai connu). Ma vision de la phase 3 est beaucoup plus axée sur l’aspect gestion de l’entreprise. J’entends par là, gestion des ressources humaines avec gestion prévisionnelle des compétences(formation, recrutement, etc), gestion financière de ta boite axée autour de la compta/controle de gestion, etc.
Mais il faut se poser les bonnes questions à savoir qu’est-ce qui m’interesse, qu’est-ce qui me motive, comment je vois mon job dans x années ? Reprendre une formation en gestion peut-etre interessant. Moi qui ai toujours eu horreur de la compta, aujourd’hui j’y trouve un interet quand ca s’applique à mon entreprise. Rien de tel que du concret pour s’interesser !
Pour conclure avec mon humble avis, je pense que pour “emmener loin une société” comme tu l’indiques il faut obligatoirement réussir son évolution en cette troisième phase.
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