Ce complot mondial des hackathons

Mon ami Liam a récemment jeté un pavé dans la mare avec ce billet au sujet des hackathons et introduisant son nouveau concept de coding in the dark.

Je n’ai pas souvenir d’avoir lu déjà (si vous avez de bonnes ressources, je suis preneur) de point de vue similaire à ce sujet, et une telle vérité sans masque ni hypocrisie:

Let’s face it. Hackathons suck. I’ve been to about a dozen of them, as a developer, as a mentor, as a jury member, and as press. Here’s what I’ve noticed.

Developers just want to code, but they have to pitch a business at the end. Juries just want to meet developers, but they get stuck with some B-School student talking about viral engagement and the mobile revolution. And Sponsors – well, Sponsors, after a weekend of hocking your company, you get the stiff reward of knowing that the 3rd place winner and the runner up for best UX used your API. Congratulations.

Pour avoir participé / suivi / sponsorisé des rendez-vous de la sorte, au bout d’un certain temps je suis arrivé à un constat similaire. Ces hackathons, qui, sur le papier, sont une bonne initiative pleine de bonne volonté et éventuellement de potentiel fun, business, etc. sont à mon sens souvent une perte de temps pour les participants et une bonne intention maladroite de la part des organisateurs.

Les bonnes idées/valeurs sur le papier du hackathon :

  • Se sortir les doigts du c** et taffer pour faire des rencontres et gagner en XP, en apprendre plus sur soi même en équipe et temps limité
  • Valider une idée business, faire adhérer des personnes / adhérer à une idée business et travailler dessus avec des personnes
  • Rencontrer de potentiels co-founders de tous horizons
  • Apprendre : en général et sur soi-même

Et je dois en oublier quelques unes.

Les (plus réelles) vérités de la plupart des hackathons :

  • Des teams bancales (90% de devs ou 90% de biz/produit)
  • Des sites statiques (limite powerpoint) qui ne prouvent rien niveau techno ou produit
  • Du crappy code spaghetti qui a juste fait perdre un week end à des devs et qui ne leur a rien appris
  • Des bizguys persuadés de tenir l’idée du siècle et qui perdurent des mois sur l’idée bancale trouvée du week end (et qui sortent le sempiternel “go viral” pitch)
  • Une horde de rapaces qui gravitent au sein de l’écosystème startup et qui cherchent de nouveaux pigeons à encadrer / mentorer dans leur projet et projets futurs (moyennant finance, parts de boite, etc..)
  • Des serials hackathoniens drogués qui se font leur fix et que l’on retrouvera au prochain sur une idée nouvelle (et peu évolué entre les deux)
  • De la fatigue, du bruit et pas de tant de fun que cela

Et je dois en oublier à nouveau quelques unes.

Et tous les gens qui auront perdu leur week end diront le lundi matin à leurs collègues qu’ils ont taffé sur un truc énorme, avec une team sympa, une organisation en or, des gens très intéressants et intéressés par eux et leurs projets avec qui ils ont gardé contact: et rejoindront ainsi le complot mondial des hackathons..

Bon, ok, je force un peu le trait.. Tous les hackathons ne sont pas tous mauvais, bien entendu :)

Les hackathons sont sur le papier une bonne idée, mais chaque personne doit en amont bien cibler son hackathon en fonction de ce qu’il recherche et de son niveau de connaissance startup / technique, sous peine de ne pas trouver ce qu’il recherche et perdre son temps.

  • Pour les tous novices, un petit hackathon “général” (startup weekend, bemyapp..) est un bon moyen de rentrer dans le bain startup. Pour des bizguys tous frais et des devs troglodytes, c’est l’occasion de se frotter un peu les uns aux autres et de faire connaissance, de voir comment travailler ensembles. Mais ce n’est pas là que vous trouverez (sauf exception) votre prochaine team et idée startup. N’en abusez pas, un ou deux suffisent, après c’est de la pure perte de temps. Sortez différemment.
  • Pour les plus expérimentés et pour les profils plus techno/produit, les hackathons plus “spécifiques/spécialisés” (hackathon sur une techno donnée, sur une API donnée organisés par une boite (Eg: Twitter, Dropbox, Foursquare), sur un framework donné) seront eux l’occasion d’apprendre réellement plus et d’aller plus loin: pour le coup, des possibilités réelles d’embauches sont là à la clé et une bonne émulsion techno / produit au rendez-vous avec des gens moins novices. On rentre plus dans le sujet.. Par contre ça ne sera pas là que vous rencontrerez le plus de variété de profils, et bizguys vous risqueriez de vous ennuyer un peu.
  • Enfin, fuyez comme la peste tous les hackathons mercantiles à la “Meilleur développeur de France” et consorts qui ne seront que perte de temps et d’argent !

Et vous, quelle est votre expérience / ressenti sur les hackathons que vous avez pu faire ? Faites vous partie du complot modial ?

Le meilleur développeur de France: entre fumisterie et imposture

Après avoir bien bavé sur Twitter et m’être pas mal gaussé en lisant les échanges du compte @MeilleurDev, je pense qu’il est important de s’attarder plus sérieusement sur deux points importants que soulève ce “concours” et qui m’ont laissé un goût amer en bouche en découvrant l’existence de ce dernier.

# Pourquoi ce concours est une grosse opération mercantile

Fort d’un amateurisme total et évident (Logo dégueu, WordPress minimaliste visible dans l’url, vidéo montée à la va-vite, intonation et musique à la Koh Lanta), ce concours est monté par:

  • une école qui veut racoler du jeune développeur et introniser dans ses locaux le nouveau French Dev Killer 2013 qu’elle aura découvert
  • une agence de recrutement qui va exploiter allègrement les coordonnées de tous les candidats inscrits, présents, perdants ou gagnants
  • une société qui veut installer le TOSA comme une norme universelle d’aptitudes au développement, et qui effectue un remarquable coup de com’ et assoit sa crédibilité si son test sert à nous débusquer le meilleur développeur de France

Ajoutez à cela un tarif plus que prohibitif (~90€ pour les étudiants, ~140€ pour les autres) pour 1 400 candidats max, ce qui nous donne un événement qui rapporterait en moyenne 150k€, pour décerner 10k€ à l’unique vainqueur, et quelques mugs/casquettes/autres goodies aux 30 meilleurs je suppose… Dans des locaux fournis par l’école 42, je doute donc que la logistique et les sandwich triangles coûtent plus de 100k€..

# Pourquoi ce concours est une imposture

Franchement, qui va croire qu’un meilleur développeur de France existe ? Ce concept est profondément faux et non pertinent.

Les développeurs ont leurs forces et leurs faiblesses. Les “bons” développeurs à mon sens ont un profil “T-shaped” (dont je parle dans ce précédent billet) et malgré leur culture G seront bien moins bons qu’un autre dans tel ou tel domaine, tout en étant le killer recherché dans son domaine de choix.

[EDIT: merci aux footix qui ont suivi, la phrase qui suit est bien évidemment fausse..] C’est un peu comme au foot, on élit bien un ballon d’or du meilleur buteur chaque année, pas du meilleur footballer. Elle aurait l’air fine l’équipe composée que d’attaquants (les meilleurs) ou que de défenseurs (les meilleurs). C’est pareil en développement. [FIN EDIT]

Et quand bien même il y aurait un développeur ultime le plus skillé sur tous les fronts, remportant ce concours, il ne m’intéresserait pas pour mon équipe de développement car fort certainement trop rockstar/diva/individuel pour les besoins de ce qui compte vraiment: fédérer une équipe complémentaire de gens doués dans leur domaine, pour construire le meilleur produit qu’il soit.

Voila les raisons de la profonde tristesse que m’a inspiré ce concours. Un événement purement mercantile, totalement faux, mal préparé (dans la forme et le buzz en tout cas), qui très certainement rencontrera un succès suffisant pour satisfaire ses organisateurs et suffisamment pour ternir un peu l’image des développeurs en France, parqués dans leurs immenses salles à faire des tests de merde pour quelques € et quelques goodies, au lieu de réellement mettre à profit leurs connaissances ce jour là pour leurs boites, leur projets open-source, leurs projets persos..